Quels développements ferroviaires pour le Grand Genève ? Eléments de réflexion critiques et propositions pour une ambition renouvelée

16/11/2022
Les auteurs de cet article
Sébastien Munafò
Directeur filiale Suisse

Photo : SBB - Léman Express by Stadler, Kecko, Licence Creative Commons

Note réalisée par Sébastien Munafò, 6t-bureau de recherche (Genève) & Giuliano Montanaro, alius consulting (Zurich) sur fonds propres

Note à lire et télécharger ici

Objectif de la note : un projet de loi source d’interrogation

Cette note a été réalisée sur fonds propres par 6t-bureau de recherche et le bureau indépendant alius consulting, spécialisé dans le domaine de la planification ferroviaire. Elle fait suite à la publication du projet de loi PL 13176 du 14 septembre 2022 pour le « financement des études de la diamétrale ferroviaire Bernex – Lancy – Genève-Aéroport – ZIMEYSA ».

Si on ne peut qu’adhérer entièrement avec l’objectif d’un « […] report modal massif sur les transports publics [..] » et être aussi pleinement convaincus « […] du rôle central que devra jouer le réseau ferroviaire dans cette ambition […] (p.3) », un certain nombre d’interrogations ont surgi lors de l’analyse du projet de loi, avant tout concernant la capacité du concept proposé à répondre véritablement et efficacement aux grands enjeux de mobilité de l’agglomération transfrontalière actuels et futurs.

Notre objectif n’est donc pas de remettre en cause le déploiement souhaitable et indispensable de l’offre ferroviaire ou la vision d’une nouvelle diamétrale, mais d’ouvrir le champ de réflexion et le spectre du possible. En effet, compte tenu des conséquences irréversibles que l’acceptation de cette loi pourrait avoir sur la future configuration du réseau ferré de l’agglomération, il nous semble important et utile d’enrichir les réflexions avant une future prise de décisions dans ce domaine avec des éléments d’analyses complémentaires. Des éléments qui sont, à nos yeux, pas ou trop peu considérés et qui méritent d’être traités avec une bien plus grande attention.

Par notre démarche, nous souhaitons aussi souligner les enjeux majeurs de la prochaine étape PRODES et le besoin de rendre le concept de développement du réseau ferroviaire genevois le plus efficace et convaincant possible pour maximiser les chances d’un financement par la Confédération. Il est donc indispensable que celui-ci représente une réponse pertinente aux besoins de mobilité actuels et futurs et atteigne les objectifs de report modal ambitieux qu’il est impératif de poursuivre dans l’agglomération transfrontalière dans le cadre de la transition écologique de ce territoire.

Ce document n’a pas vocation à remplacer les études sur le sujet et ne peut donc pas être considéré comme complet, exhaustif ou parfait. Il a comme simple ambition de contribuer à réfléchir, dans un esprit à la fois critique et constructif, sur l’avenir du réseau ferré genevois et donc de la mobilité du Grand-Genève. Il se fonde sur les données et observations concernant les enjeux de mobilité et de territoire issus des nombreux travaux menés par 6t-bureau de recherche et sur l’expertise éprouvée dans le domaine du transport ferroviaire d’alius consulting en Suisse et à l’étranger.

4 points critiques du projet

À nos yeux, le concept proposé par le Canton comporte des faiblesses importantes que nous articulons en 4 points :

1. Il ne se déploie pas dans le véritable rayon de pertinence du ferroviaire, c’est-à-dire pour des déplacements régionaux de plus de 5 km pour lesquels la desserte en transports publics urbains (bus et tram) n’est plus compétitive ni en temps de parcours ni en confort par rapport à la voiture individuelle

Le concept à deux branches vient proposer une liaison ferroviaire « repliée sur elle-même » dans les limites du Canton et dans un rayon de distance qui ne relève pas domaine de pertinence du chemin de fer. La desserte ferroviaire d’une agglomération doit au contraire avoir pour but de desservir les régions pour lesquelles une desserte par bus ou tram n’est plus compétitive, ni en temps ni en confort face à la voiture. Ce type d’offre fait cruellement défaut dans le Grand Genève et c’est donc là que doivent se concentrer les efforts.

Dans ses objectifs, le Canton indique entre autres que ces deux nouvelles infrastructures ferroviaires lourdes doivent permettre de « […] répondre aux enjeux de desserte en transports publics là où l’offre urbaine classique (tramway notamment) arrivera à saturation […] ». Cette approche est très discutable parce qu’en général il faut toujours éviter, lors de la construction de nouvelles grandes infrastructures ferroviaires, de chercher à faire jouer au « chemin de fer lourd » un rôle urbain. Si ce type d’applications existent parfois (comme le RER de Zoug, mis en service en revanche avec des investissements d’infrastructure très limités), elles sont remplacées en général dans les grandes agglomérations, ou le transport de grands volumes de personnes est nécessaire, plutôt par des projets de type métro, métro léger ou tram rapide. Même dans l’agglomération zurichoise, aussi après la création de la nouvelle ligne diamétrale DML en 2016, le ferroviaire continue à jouer son rôle de « mass transit », alors qu’en parallèle les réseaux de trams, tram express et trains légers continuent d’irriguer la couronne suburbaine et à se développent (SZU, Forchbahn, Glatttalbahn et Limattalbahn).

À Genève donc, après une décennie caractérisée par une vision très centrée sur le cœur de l’agglomération et sur des concepts de nouvelles infrastructures toujours assez similaires (à partir de la raquette de 2011 vers la diamétrale actuelle avec ses deux branches) on se trouve aujourd’hui devant un possible point de non-retour.

2. Le concept proposé n’apporte pas de réponse aux besoins importants de report modal (impératif dans le cadre de la transition écologique) et qui se situent en priorité en périphérie, en particulier dans le Pays-de-Gex, le Genevois haut savoyard et l’arrière-pays du District de Nyon.
3. Il ne vient pas capter les grands flux de demande de l’agglomération, en particulier ceux qui sont en échange avec les régions périphériques mal desservies par les transports publics. Des flux qui vont par ailleurs croître de manière très conséquente ces 30 prochaines années en lien avec la croissance démographique qui y est attendue.
4. Le concept du Canton relève d’une démarche qui place l’infrastructure (et donc la mesure) avant même des objectifs de mobilité ambitieux basés sur une analyse de la demande et l’élaboration d’une stratégie adéquate pour les atteindre.

La faible prise en compte d’études sur flux de demande futurs, n’a pas permis de saisir les enjeux en termes des véritables futurs besoins de mobilité, non seulement du Canton, mais de toute la région transfrontalière. Les efforts se sont principalement orientés sur un projet d’infrastructure, en lui superposant simplement par la suite de possibles services ferroviaires au ¼ heure. Il n’existe donc pas de démonstration de l’efficacité, attractivité et pertinence de la nouvelle offre au niveau régional et transfrontalier et de sa contribution au report modal. Et même si elle était étudiée de manière plus détaillée, on constaterait clairement qu’elle elle se limiterait de toute manière pratiquement à une desserte de type urbain. Par ailleurs, en première phase, il semble important de le resouligner, l’offre se limiterait seulement à un train toutes les 15 minutes alors que les ouvrages nécessaires vont probablement coûter environ 1,5 Mia de CHF, si pas plus.

Le crédit du projet de loi ne permettra donc pas de disposer de véritables « […] éléments d’analyse et de planification […] », mais uniquement de dimensionner le concept proposé en termes de génie civil et génie ferroviaire. Au regard des éléments exposés auparavant dans cette note, ce type d’études ne nous semble pas être aujourd’hui l’enjeu majeur, puisque les risques d’une non-inscription dans la prochaine PRODES et surtout de ne pas assurer un report modal significatif dans les prochaines décennies, se trouvent ailleurs.

Au vu de ces éléments et des impératifs de planification de la Confédération, nous suggérons l’élaboration dès à présent, d’une véritable stratégie en se basant sur les réflexions amenées ci-dessus d’en faire ensuite découler des concepts à même d’appeler la création d’infrastructures.

Quelques propositions pour réorienter la stratégie d'ambition ferroviaire pour le Grand Genève

Il nous semble important aujourd’hui de replacer les objectifs de mobilité, et non pas les mesures, au cœur du débat et des choix politiques.

Il faut d’ailleurs souligner qu’une infrastructure ferroviaire n’a pas un « but en soi », mais elle doit simplement et uniquement être au service des objectifs à atteindre. C’est donc uniquement à partir de la définition de ces objectifs que des variantes d’infrastructures peuvent par la suite être esquissées. Ces objectifs peuvent se décliner en termes de « fonctionnalités nécessaires/utiles » et que le mode ferroviaire doit assurer selon la situation et les besoins. C’est seulement ensuite que devront être recherchées de possibles solutions en termes de mode technique fer (RER, tram-train, tram-express, tram classique, etc.) ainsi que d’infrastructures les plus pertinentes, efficaces et optimisées pour les concrétiser.

L’étoile ferroviaire transfrontalière : un schéma de desserte idéal du Grand Genève 

Nous savons combien il est parfois difficile de s’imaginer des choses différentes de celles que l’on connaît et qu’on a sous les yeux. Et aussi que, bien souvent, il est plus simple d’échanger, débattre et avancer quand de premières idées sont mises « sur le papier ».  

À partir des éléments formulés auparavant, il nous semblait donc nécessaire, dans un premier temps, d’esquisser le « schéma d’agglomération ferroviaire idéal ». Il s’agit d’un schéma qui, faisant initialement totalement abstraction de toute infrastructure, a pour vocation de contribuer au mieux à relever  les grands défis de mobilité du Grand Genève, et en particulier à irriguer les cadrans sources d’enjeux de demande identifiés plus haut et qui ne disposent pas d’une offre de type ferroviaire.

Il s’agit ici avant tout, comme nous l’avons indiqué dès le début de cette note, d’apporter des éléments d’aide à la discussion et faciliter les échanges. Ces concepts se fondent naturellement sur nos considérations précédentes, mais n’ont pas vocation à être considérés comme des propositions parfaitement abouties :

  • Les traits dessinés et leur positionnement sur le territoire sont purement indicatifs. Ils ne veulent (et ne peuvent) en aucun cas illustrer des infrastructures concrètes, mais uniquement des possibles fonctionnalités de principe entre des pôles de l’agglomération transfrontalière.
  • Un trait ne signifie donc en aucun cas que la fonctionnalité souhaitée/proposée est véritable possible et/ou réalisable, puisqu’aucune analyse de faisabilité et d’insertion a été menée.
  • Chaque trait peut inviter à considérer soit du ferroviaire lourd ou des modes plus légers (cf. plus bas)

Le schéma ainsi esquissé se présente sous la forme d’une étoile ferroviaire transfrontalière composée :

Des axes existants :

  • Axe de la Côte : Genève-Coppet-Nyon et Lausanne
  • Axe Ouest : Bellegarde-sur-Valserine – La Plaine – Genève  
  • Axe Est :  Genève – Eaux-Vives – Annemasse - Evian (prolongé par la future desserte Sud-Léman vers le Valais) ;
  • Axe tangentiel Sud : Bellegarde-sur-Valserine - St-Julien en Genevois – Annemasse ; Branche : Genève - Aéroport

Des axes sur lesquels de nouvelles liaisons ferroviaires doivent à terme être proposées :

  • Axe Nord-Sud : Gex - Ferney-Voltaire - Genève - St-Julien - Annecy par l’ouest du Salève ;
  • Axe tangentiel Nord : Nyon-Divonne-les-Bains-Gex-Thoiry et Bellegarde-sur-Valserine (ancienne ligne du Pied du Jura) connectée potentiellement à une nouvelle ligne Genève-Lausanne (ligne redondante en discussion) ;
  • Un rayon Meyrin-St-Genis-Thoiry raccordé à cet axe tangentiel Nord.

 Schéma ferroviaire idéal en forme d’étoile ferroviaire transfrontalière

Imaginer un projet du Canton au service de l’axe stratégique Nord-Sud Nyon-Gex-Genève-Annecy

Le schéma idéal permet d’identifier une toute nouvelle stratégie pour réorienter les futurs axes de développement du réseau ferroviaire cantonal, grâce notamment à un nouveau grand axe Nord-Sud et pour lequel on tient à souligner les enjeux et opportunités suivants :

1.    Ouvrir le concept de la branche Nord en l’orientant vers le Pays-de-Gex permettant de réaliser une nouvelle offre ferroviaire vers Ferney-Voltaire – Gex – Divonne et Nyon.

2.    Réfléchir dès aujourd’hui aux grandes synergies existantes entre ce nouvel axe Nord-Sud et le souhait de doublement de l’axe Genève-Lausanne qui est désormais en discussion.

Il s’agit ici d’un sujet d’une très grande actualité depuis l’accident de Tolochenaz de l’année passée. Sans connaître quelles sont à ce jour les études en cours (prolongement de 3 voie quadruplement, nouvelle section à double voie, en surface ou en souterrain, etc.) et parallèlement aux demandes d’un doublement en souterrain entre Morges et Perroy, il apparaît fondamental de considérer dès aujourd’hui le sujet d’un possible couplage avec ce nouvel axe nord-sud par le Pays-de-Gex puisque des effets synergiques importants pourraient se dégager :

  • D’une part en ouvre le champ des possibilités pour l’insertion de la nouvelle ligne dans le nœud de Genève (ligne actuelle à 3 voies, mais saturée vs. Aéroport vs. nouvel accès a Sécheron comme envisagé pour la nouvelle branche Nord).
  • D’autre part, il serait possible de superposer le potentiel de demande de l’agglomération transfrontalière aux nouveaux trafics régionaux et nationaux que générera cette nouvelle liaison (sans que des informations soient disponibles pour l’instant concernant la consistance de l’offre) et en renforçant ainsi la pertinence d’une nouvelle infrastructure pour l’Arc lémanique.

Il faut d’ailleurs considérer qu’en cas de renfoncement d’une « partie centrale » de l’axe Lausanne Genève, les capacités disponibles dans les deux nœuds à ses extrémités ne seraient pas modifiées, permettant donc uniquement une augmentation des vitesses et pas un accroissement du nombre de trains entre les deux agglomérations. La création d’une nouvelle liaison entre le secteur de Nyon et Genève via le nouvel axe Nord Sud proposé, constituerait par contre une possibilité concrète de réaliser une étape cruciale de cette nouvelle infrastructure tout en proposant d’emblée une nouvelle offre très attractive pour l’agglomération genevoise.

3. Traiter l’opportunité d’une intégration de l’ancienne ligne du Pied du Jura (Pays-de-Gex) dans cette appréciation renouvelée du réseau dans lequel elle s’intégrerait en tant qu’axe tangentiel Nord. Une offre qui deviendrait ainsi plus innovante et pertinente que celle ayant fait l’objet des analyses sectorielles présentées jusqu’ici sur son éventuelle réhabilitation (étude TTK).

4. Donner d’emblée à la branche Sud la vocation à offrir une desserte ferroviaire rapide et efficace vers St Julien, prolongée en direction d’Annecy par l’ouest du Salève. Sur ce corridor, comme déjà évoqué dans nos argumentations précédentes, nous estimons que le mode ferroviaire aurait toute sa pertinence pour réduire la pression des très importants flux TIM du corridor d’Annecy. Il s’agirait par la même occasion de proposer un axe structurant le territoire du Genevois haut savoyard qui manque cruellement de desserte TP efficace et de centralités urbaines régionales.

5. Enfin, et de manière générale, concevoir et orienter tous les travaux et réflexions qui seront menés comme devant viser à terme la réalisation d’un grand lien Nord-Sud Nyon-Gex-Genève-Annecy : ce nouveau lien aurait plusieurs fonctionnalités, parce qu’il serait utile tant à la partie vaudoise, française que genevoise de l’agglomération ainsi qu’au reste de la Suisse (et pas seulement au canton de Genève comme le concept proposé jusqu’ici).

Pour le cœur d’agglomération : une esquisse avec des fonctionnalités diamétrales et tangentielles pour servir l’étoile ferroviaire transfrontalière

À l’échelle cantonale qui est celle au cœur du concept proposé, nous pouvons, à partir du schéma idéal, continuer l’exercice et commencer à esquisser d’un nouveau concept ferroviaire du cœur d’agglomération qui soit au service de l’étoile ferroviaire transfrontalière esquissée.

On peut, en effet, imaginer que l’on dispose à présent de différentes « pièces de puzzle » que l’on combine de différentes manières, afin de générer différents concepts théoriques de future configuration du réseau cantonal du cœur d’agglomération.  La visualisation suivante peut être vue comme une première tentative d’assemblage de toutes ces pièces/fonctionnalités disponibles.

Les éléments fonctionnels majeurs qui la caractérisent sont :

1) Une fonctionnalité diamétrale pour le réseau du cœur d’agglomération en proposant un lien par Cornavin. La branche Sud s’y connecterait et serait prolongée par une nouvelle branche Nord passant par Séchéron et Nations, continuant en direction de Ferney-Voltaire et Gex ;

2) Une fonctionnalité tangentielle qui relierait Lancy-Pont-Rouge à l’aéroport puis se prolongeant vers Ferney-Voltaire et Gex. Elle réactiverait le besoin du « saut-de-mouton » de Saint-Jean.

Esquisse du concept cantonal possible avec des fonctionnalités diamétrales et tangentielles

À nos yeux, la grande force de ce concept est d’ouvrir la possibilité à un très grand nombre de liens à l’échelle régionale, voire nationale. Parmi les avantages, nous pouvons notamment souligner :

  • Reprendre et valoriser la philosophie de diamétrale proposée par le Canton ;
  • Valoriser le nœud de Cornavin pour les correspondances ;
  • Proposer un des liens directs entre le Pays-de-Gex et le quartier des organisations internationales (dont beaucoup d’employés habitent cette région).
  • Assurer en même temps une desserte tangentielle en cœur d’agglomération et dont le besoin est important (par Exemple Grand Saconnex – Lancy ou Zymeysa - St-Julien) ;
  • Permettre des liens entre Annemasse et le Chablais et l’aéroport.
  • Enfin, nous pensons que la réalisation de la nouvelle gare souterraine de Cornavin (selon la configuration du tracé les modalités de construction) constitue peut-être une opportunité renouvelée (pas envisageable il y a encore quelques années) pour réaliser le saut de mouton de Saint-Jean et desservir par les différents corridors la future nouvelle halte de Châtelaine.
Tableau récapitulatif des points faibles du concept à nos yeux et des réponses la stratégie de l’étoile ferroviaire transfrontalière

Conclusions

Remettre le projet sur de bons rails, ceux d’une vraie ambition transfrontalière

L’actuel projet de loi ne porte pas sur l’élaboration et/ou la concrétisation d’un véritable projet de mobilité, mais uniquement sur le financement d’étude de génie civil et génie ferroviaire pour un projet d’infrastructure assez précis qui ferme beaucoup de possibilités et occulte les vrais enjeux.

Par cette démarche le Canton estime accroître les chances pour une inscription dans la prochaine étape PRODES. Toutefois, sur la base des éléments présentés dans cette note, nous estimons que cette démarche est très risquée. Le concept se fonde, en effet, sur un projet de nouveau tunnel à environs 1,5 Mia de CHF pour faire circuler seulement 4 trains par heure dans une boucle repliée sur elle-même et qui n’apporte pas de réponses aux grands enjeux de mobilité de l’agglomération.

À nos yeux, les chances de ce concept sont et resteront très faibles, même après des études d’ingénierie, puisqu’il ne répond qu’à la marge aux critères d’évaluation NIBA définis à ce jour par la Confédération dans le processus PRODES.

En conclusion et au vu des éléments présentés ci-dessus, nous invitons les acteurs à réorienter la stratégie et imaginer un concept cantonal en conséquence pour :

  • Dessiner dès à présent avec tous les acteurs du Grand Genève un vrai schéma ferroviaire stratégique de l’agglomération qui soit capable de répondre aux grands enjeux de mobilité, en particulier en termes de report modal et de desserte des régions périphériques
  • D’inscrire seulement ensuite un concept au niveau cantonal qui soit au service de cette ambition transfrontalière indispensable et de travailler sur les réponses que cela implique en termes d’infrastructure au cœur de l’agglomération.
  • D’éviter à tout prix une branche Nord repliée sur-elle-même dont l’utilité ne nous semble nullement prouvée et qui pourrait constituer un « coup parti » néfaste fermant le champ des possibles pour le futur développement du réseau ferroviaire de l’agglomération et ne pas permettre une mise en synergie avec le doublement de la ligne Lausanne-Genève ;
  • C’est donc un nouveau concept attractif, ambitieux, mais au même temps efficace, réaliste, crédible et finançable qu’il faut identifier dès à présent en articulant ces différentes échelles et qui est la seule véritable chance de convaincre les instances fédérales à financer un nouveau grand développement ferroviaire à Genève.

Une task force pour aller vite et dans la bonne direction 

Pour répondre aux contraintes de temps et à titre d’une possible nouvelle démarche à adopter pour ne pas manquer les délais impératifs de la Confédération, une task force pourrait être imaginée.

Nous tenons à évoquer ici l’exemple du Canton de Bâle-Ville. Par le biais de l’organisation « Bahnknoten Basel », comprenant tous les acteurs concernés par le projet, une task force multidisciplinaire avait, en effet, été créé quelques ans avant l’échéance de soumission du projet Herzstuck pour PRODES 2035. Ceci avait permis de faire « tabula rasa » de tous les a priori et retravailler de fond en comble le concept.

Toutes les composantes du système ferroviaire et thématique connexes (allant de la demande par modèle multimodal des déplacements, à la réorganisation des autres modes de transport public jusqu’aux évolutions des émissions carbone en passant par l’évaluation des coûts et de la faisabilité et le territoire) avaient été traitées de manière intégrée et simultanée. La génération de nombreuses variantes, parfois très contrastées soumises à des « simulations de traitement NIBA-PRODES » avait au final permis d’identifier la meilleure solution à soumettre pour accroître les chances d’inscription. Même si malgré ce grand effort le projet n’a pas été retenu, aujourd’hui les réflexions sont à nouveau en cours. Le projet a ultérieurement évolué et mûri et les chances qu’il soit inscrit dans la prochaine étape sont désormais bien plus élevées. 

Il est clair que les orientations que nous proposons ci-dessus rendent tout projet futur beaucoup plus complexe en termes organisationnels en lien avec l’inévitable dimension transfrontalière qu’elle implique. Mais le grand succès du Léman Express et celui des prolongements de tram réalisés (et prévus) montrent clairement que cette approche est non seulement possible, mais que c’est bien elle qui le plus efficace pour apporter les bonnes réponses aux besoins de mobilité du Grand Genève.

Contact des auteurs : Sébastien Munafò ; Giuliano Montanaro