Etude sur l’impact de l’ouverture des voies de bus parisiennes aux deux roues motorisés électriques

24/2/2020
Les auteurs de cet article
Nicolas Louvet
Fondateur et Directeur
Abigaëlle Nivoix
Chargée d'études et de recherche
Contexte

A Paris, la dernière décennie a été particulièrement riche en innovations dans le domaine de la mobilité. Cityscoot participe à ce nouvel écosystème de mobilité grâce au déploiement d’un service de mobilité propre à Paris et en petite couronne.

En parallèle, la mairie de Paris a œuvré ces dernières années en faveur de la mobilité durable, notamment en développant un réseau de couloirs de bus et de pistes cyclables conséquent. L’élection municipale de mars 2020 présente de nombreux enjeux de mobilité et d’aménagement urbain et la question de l’ouverture des couloirs de bus aux deux-roues motorisés se pose. En effet, la sécurité routière, la fluidification du trafic mais aussi la qualité de l’air et l’accessibilité sont au cœur des préoccupations des usagers. Grâce aux données opérationnelles de Cityscoot, il est désormais possible de comprendre le comportement des 2RM à Paris.

Enjeux et méthodologie

Cette étude a pour objectif d’estimer l’impact potentiel des 2RM sur la circulation des bus dans les couloirs de bus. Pour cela, les données des traces GPS de Cityscoot seront analysées et comparées avec les informations sur les horaires de passage des bus et avec la localisation des couloirs de bus. Les résultats présentés ici pourraient permettre aux élus de concevoir une éventuelle expérimentation cadrée grâce à la localisation des couloirs présentant un taux d’occupation problématique ou non. Un état de l’art recensant les diverses expérimentations dans des pays voisins permettra de dégager quelques enseignements en termes de sécurité des usagers ou d’impacts sur la vitesse de circulation.

Principaux résultats de l'analyse de données et des couloirs de bus
  • Les données des traces GPS des Cityscoot sont d’une grande richesse. Elles permettent de suivre chaque scooter dans le temps et dans l’espace et de dessiner les itinéraires empruntés par les utilisateur de ce service. C’est aussi un moyen de comprendre la circulation des deux-roues motorisés dans Paris ainsi que dans les autres villes où le service est disponible (Nice, Milan, Rome). Les 2RM utilisent plus fréquemment les grands axes, tout comme le font les bus. Un jour de semaine, les 2RM passent très souvent dans le centre-Nord et l’Est de Paris. Ce constat est moins marqué le weekend où la fréquentation dans les quartiers périphériques est plus faible. Les données GTFS, bien que théoriques, sont suffisantes pour évaluer la répartition spatiotemporelle des bus. Elles peuvent également être utilisées pour cartographier la qualité de desserte par les transports en commun dans l’agglomération. En absolu, les bus restent bien plus nombreux que les scooters. Leur circulation est circonscrite au réseau de lignes de bus, tandis que les Cityscoot peuvent emprunter toutes les voies du réseau routier parisien. Néanmoins, les deux modes utilisent globalement plus fréquemment les mêmes axes. D’après ces premières analyses, qui ne prennent pas en compte les couloirs de bus, on peut imaginer que les impacts de l’ouverture des voies de bus aux scooters le dimanche, dans les zones périphériques de Paris, serait moins important.
  • En semaine, les couloirs de bus sont déjà fort sollicités par les bus: plus d’un tiers du réseau atteint déjà le seuil critique. L’ouverture des couloirs de bus aux Cityscoots ou même à tous les deux-roues motorisés électriques aurait un impact négligeable sur la circulation dans ces couloirs. En revanche, leur ouverture à tous les deux-roues motorisés aurait un impact significatif sur l’occupation de ces voies, qui atteindrait un seuil critique sur plus de la moitié du réseau en heure de pointe. Le weekend, le nombre de bus et de Cityscoot en circulation est plus faible, réduisant les contraintes sur le réseau. En milieu urbain, le temps de parcours est davantage déterminé par les feux que par la vitesse moyenne de circulation. Ainsi, une augmentation théorique de la vitesse de circulation aurait un impact très marginal sur la durée des trajets Cityscoot. Plusieurs couloirs peuvent être identifiés comme étant propices à accueillir une expérimentation cadrée. Par ailleurs, les couloirs les plus problématiques sont également signalés. Ces derniers correspondent en fait aux axes déjà très occupés par les bus. L’enjeu de la sécurité des usagers est prépondérant: un état de l’art des expérimentations réalisées jusqu’ici pourrait apporter quelques éléments de réponse à cette problématique.

Principaux résultats de l'état de l'art et enseignements pour les élus
  • A Londres, les 2 essais réalisés en 2008 et 2011 ont permis l’ouverture des voies de bus aux 2RM depuis janvier 2012. Les résultats présentaient une réduction des temps de parcours, sans impact significatif sur la sécurité des 2RM et des autres usagers vulnérables. Grâce aux renforcements des contrôles, la vitesse des 2RM sur les couloirs de bus et le nombre d’excès de vitesse avaient diminué entre les deux essais. A Genève, les expérimentations sur la Route de Ferney et la Route des Jeunes n’ont pas été poursuivies, alors qu’elles étaient prévues pour durer jusqu’à un an, en raison de résultats montrant un nombre grandissant d’infractions liées à la vitesse par les 2RM et une dégradation de la sécurité des cyclistes. Au regard de ces résultats d’expérimentations dans ces deux villes, on peut conclure sur le fait que les impacts des 2RM dans les couloirs de bus sont très variables,suivant les configuration de la voie, son trafic et le comportement des usagers qui l’empruntent. Globalement, l’impact sur la vitesse de circulation des bus est négligeable. Les enjeux semblent plutôt être de l’ordre de la sécurité des usagers 2-roues (2RM et vélo) mais aussi des piétons. La mesure d’ouverture des voies de bus permettrait d’augmenter la vitesse des 2RM, notamment en cas de congestion sur la voie générale ce qui peut apporter un sentiment de sécurité aux 2RM, mais le risque est de favoriser les comportements dangereux tels que les excès de vitesse qui semblent avoir systématiquement lieu. Les décisions doivent alors être prises au regard de tous ces enjeux : avantages environnementaux, sécurité et mobilité des usagers.
  • Les données Cityscoot donnent un aperçu unique des dynamiques spatiotemporelles de la circulation en deux-roues motorisés à Paris. 4 trajets Cityscoot sur 5 pourraient emprunter un couloir de bus au long de leur itinéraire. 36% de la distance de ces trajets pourrait être réalisée dans un couloir de bus. En semaine, 34,6% des couloirs bus sont déjà en situation de seuil critique avec le seul passage des bus. Et l’ouverture à l’ensemble de tous les 2RM électrique (dont les Cityscoot) ne change presque pas la situation: on passe à 35,4% des couloirs bus en seuil critique. Par contre, plus de la moitié du réseau de couloir bus atteindrait le seuil critique d’occupation en heures de pointe en cas d’ouverture des voies à tous les 2RM. Très peu de couloir bus sont en seuil critique le WE, même avec l’ouverture à tous les 2RM. Les expérimentations menées dans d’autres villes indiquent un faible impact sur la vitesse de circulation, que ce soit pour les deux-roues motorisés ou les bus. Le bilan sur la sécurité des usagers est plus ambivalent. Il est difficile d’obtenir des mesures statistiquement significatives d’accidentologie sur les couloirs de bus. Il n’est pas évident de prendre la décision d’ouvrir toutes les voies de bus aux 2RM, certains couloirs étant déjà fortement sollicités par les bus. Cependant, il semble envisageable de mettre en œuvre une expérimentation sur certains couloirs ou à certains moments de la semaine (notamment le WE). Une attention particulière devra être portée aux enjeux de signalisation liées à la sécurité des usagers et au renfort des contrôles afin d’éviter les comportements dangereux.

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Crédit photo : Cityscoot